Les voyages sur la mer

La mer et les îles, voilà bien les lieux de la légende de Tristan et Yseult
Regardons la mer, écoutons Wagner, découvrons les îles celtes.
Et suivons Tristan et Yseult dans cet univers.

Le prélude de la légende

L’opéra de Wagner, Tristan et Isolde, a été dirigé par les plus prestigieux chefs d’orchestre, et bien sûr l’est encore.
Voici le début du Prélude dans un enregistrement de Wilhem Furtwangler (2023 Remastered, Studio 1953), accompagné du tableau de Caspar Friedrich’s “Meeresufer im Mondschein” (Côte de mer au clair de lune)

Et voici ce que ce paysage et cette merveilleuse musique, magique disent certains, m’inspirent en pensant à la légende
Deux bateaux sont sur la mer, assez près du rivage, à peu près à même distance, leurs voiles sont hautes et entre eux il y a les reflets dorés du soleil, comme sur la ligne d’horizon, bien marquée. Donc dès le début j’y vois la caractéristique solaire d’Yseult et celle, lunaire, de Tristan.
Sur la terre encore de l’eau, mélangée à des rochers et deux bateaux l’un à côté de l‘autre. Eh oui, les actions de ce héros lunaire se passent sur terre.
Il est ici intéressant d’observer les nuages : bleu-gris, ils occupent la moitié de l’espace, plus clairs à côté de la mer.
Beaucoup de ciel et en effet la portée transcendante de la légende est très forte.

La musique est très douce, puis petit à petit suspendue, comme si quelque chose allait arriver. Et puis c’est comme un dialogue, d’Yseult et Tristan peut-on penser, de plus en plus dynamique, confrontant au fil des péripéties et des obstacles. Et enfin primesautier, très doux, mélodieux, comme l’on peut imaginer leur amour et l’harmonie de leurs âmes.

Voici maintenant le même prélude, en entier, avec une vidéo allant avec l’enregistrement par Daniel Barrenboim
Ainsi verra-ton que le noir gagne un peu, à droite puis au centre, puis tend à être recouvert par les nuages, pouvant évoquer le monde imaginal, entre terre et ciel
(textes Le monde imaginal d’Yseult et Tristan et Monde Imaginal)

Dans cette œuvre on ressent une tension constante qui s’infiltre dans les glissements harmoniques, et les ascensions mélodiques. Pour Claire Gillie, psychanalyste et musicologue, « ce sont des images sonores d’un désir écartelé entre chair et sublimation ……..Les premières mesures condensent à elles seules tout ce qui va suivre, par son arsis (élan) s’étayant sur le chromatisme qui délocalise la tonalité, et qui ne trouve jamais son thesis (repos). …………L’opéra de Wagner pointe là cette jouissance-limite que recherche tout opéra. Thanatos – présentifié par un chromatisme mélodique – commence à sourdre sous l’accord incapable de résolution qui pourrait incarner Éros au travail, par le même processus que celui qui conduit Tristan jusqu’à l’inéluctable de sa mort, lui qui a éludé toute inscription du désir dans son corps. »

Ces commentaires sont bien sûr une invitation à votre propre écoute, c’est un tel plaisir !

La mer celtique

C’est au cours des V^e et VI^e siècles que les Celtes de Grande-Bretagne entreprirent de coloniser progressivement l’ouest et le nord-ouest de l’Armorique. Ils y créeront cinq provinces dont la Cornouaille. Deux de ses grands ports nous parlent de Tristan. Douarnenez, où subsistent les vestiges d’une forteresse du roi Marc et dans sa baie l’’île Tristan. Et Penmarch * où face à la mer, après la mort des amants, on éleva la « croix Tristan ». Penmarch signifie d’ailleurs « tête de cheval », ce qui nous ramène aux oreilles de cheval attribuées au roi Marc.
* dans la version de Bédier ce n’est pas Penmarch mais Carhaix
Tristanienne la région du Loonois l’est aussi, puisqu’elle est la région de naissance de Tristan .

Pendant des siècles les humains ont traversé la mer celtique dans tous les sens entre les îles de Bretagne et l’Armorique.
C’est ainsi sur cette mer et sur ces territoires que se déroule la légende de Tristan et Yseult et Tristan, comme d’autres de ses personnages, y fera ainsi plusieurs voyages

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Les voyages sur la mer de Tristan et Yseult

1 Le premier dans le ventre de sa mère,  qui se rendait de la cour du roi Marc à celle de Rivalen, donc de Cornouailles – avec un s, en Grande Bretagne – en Armorique, autrement dite petite Bretagne, plus précisément en Loonois (pays du Léon)

2 Lors de son adolescence il est enlevé par des marchands norvégiens qui l’abandonnent en Cornouailles où il est conduit à la cour du roi Marc.

3 Rohalt, qui a recueilli Tristan, révèle au roi Marc qu’il est son neveu. Il avertit Tristan de méfaits persistants du meurtrier de son père et celui-ci va aller en Loonois pour venger son père et libérer ses terres.

4 Puis il revient en Cornouailles pour se mettre à nouveau au service du roi Marc
Là il assume la défense du royaume contre celui d’Irlande pour qui le Morholt, frère de la reine, est venu prélever un lourd tribut de jeunes gens. Tristan prendra brièvement la mer pour se rendre sur l’île Saint Samson où il tuera ce géant.

5 Blessé par l’épée empoisonnée du Morholt Tristan, qui semble condamné à une mort certaine, décide, a partir des Cornouailles, d’une traversée au gré de la mer et va ainsi accoster en Irlande

6 Il y est soigné par le reine, qui lui demande d’enseigner son art musical à sa fille, nommée comme elle Yseult. Puis il retourne en Cornouailles

7 Le roi Marc lui demande d’aller en Irlande chercher Yseult, qu’il souhaite épouser pour satisfaire ses barons qui espèrent ainsi que le roi aura un autre héritier que Tristan, son neveu. Il repart donc pour une nouvelle traversée vers l’Irlande

8 Arrivé sur l’île il terrasse un dragon et obtient ainsi la main d’Yseult. Celle-ci soigne à nouveau Tristan, encore empoisonné, mais ensuite elle comprend qu’il est l’assassin de son oncle ; elle veut le tuer mais il parvient à l’en dissuader. Tristan explique au roi qu’il souhaite la main d’Yseult non pour lui mais pour le roi Marc, et que ce mariage scellera le paix entre les deux royaumes ennemis.
C’est donc le retour en Cornouailles avec Yseult, et c’est sur le bateau qu’ils boiront tous deux le philtre d’amour.

9 Le mariage est célébré mais Yseult et Tristan continueront à se voir en cachette, jusqu’à être dénoncés au roi par le nain Frocin et par ses barons jaloux.
Le roi Marc l’éloigne d’abord puis, ayant des preuves de ces dires, condamne à mort les deux amants. Tristan s’échappe et libère Yseult . Ils vivront trois ans dans la forêt du Morois. Les découvrant, le roi Marc les épargne mais exile Tristan. Celui-ci va de royaume en royaume et finit par s’arrêter en Armorique.

10 et 11 Yseult elle est revenue, reine, au château de Tintagel. Tristan, en Armorique, aide le seigneur à vaincre ses ennemis et accepte d’épouser sa fille, elle aussi dénommée Yseult, aux Blanches Mains. Il est l’ami de son frère Kaherdin et lui parle de son amour pour Yseult la blonde. Ils se rendent tous deux clandestinement, en Cornouailles , et lors du deuxième voyage Tristan réussira à retrouver Yseult.

Les quatre premières traversées se font entre Loonois et Cornouailles, donc entre le pays du père biologique et adoptif et celui de Marc, qui aimerait être son père symbolique.

Tristan fait, dans un monde d’hommes, son apprentissage puis ses preuves  de chevalier : après la troisième traversée il vainc en Loonois le duc qui lui avait ravi ses terres et après la quatrième il tue le Morholt.

Lors des quatre suivantes il va d’abord, au gré de la mer, accoster en Irlande. Il y rencontrera Yseult mère et Yseult fille. Reparti en Cornouailles, il reviendra vite chercher Yseult, pour le roi Marc, mais c’est bien lui qui boira le philtre avec elle.

Certes il accomplit un acte héroïque en Irlande, il tue le dragon, mais dans et lors de ces traversées il est dans un monde où ce sont les femmes qui agissent, monde où il est arrivé porté par la mer, souvent considérée comme la matrice originelle.
Et il découvre la dimension d’amour.
Et les traversées suivantes, la neuvième, la dixième et la onzième, n’amèneront qu’à des faits d’amour, heureux ou malheureux.

Tristan, de retour en Cornouailles est, pour la troisième fois, blessé mortellement dans un combat, et pour la deuxième fois par une arme empoisonnée. Il demande à Kaherdin, son double, d’aller en Cornouailles chercher Yseult la Blonde, elle seule pouvant le guérir. C’est la douzième traversée, ces quatre dernières ayant eu lieu entre les deux Cornouailles et Tristan et Yseult n’étant que quelques jours ensemble, alors que dans les quatre précédentes ils l’ont été pendant des années.

C’est alors qu’Yseult fera son seul voyage sans Tristan, vers lui, qu’elle désire retrouver, en toute hâte, et sauver. Mais une très forte tempête fait rage pendant cinq jours et ce ne sera qu’après la mort de Tristan qu’Yseult pourra débarquer et ce sera elle, qui a toujours été le guide de Tristan, qui affirmera leur amour jusqu’au bout.

Ils auront fait deux voyages ensemble : celui du début de leur amour terrestre puis celui où leurs deux corps seront ramenés en Cornouailles. Ensuite, sortant de leurs tombes un rosier et une vigne s’entrelaceront, signe de leur amour céleste, éternel.

Sur ce sujet vous trouverez des éclairages dans le texte La mer, commencement et au-delà

La vie
Le passage
La mère

Catherine Rouaud audelà-d-yseult-et-tristan.com